Chanter pour prier.
Mignature, La belle église romane de Taizé
Il y a eu un temps, en 1993-1994, où j’ai chanté dans une chorale de village. Nous préparions un concert autour des chants de Noël de Marc-Antoine Charpentier, dont tout le monde connaît au moins une phrase musicale — celle qui ouvre les retransmissions de l’Eurovision à la télévision. J’avais initié ce moment à part dans l’espoir de m’intégrer à la vie du village. Hélas, en vain.
Aujourd’hui, c’est un autre désir qui m’appelle : celui de chanter à nouveau, mais avec une attente plus intime. Non plus pour “faire partie de”, mais pour me rendre présente à, pour répondre à un appel plus intérieur, celui d’une voix qui veut prier en moi.
Mais… je n’ai plus l’énergie nécessaire pour me rendre chaque semaine à une répétition à heure fixe. Ma vie est traversée par trop d’imprévus. Je cherche un engagement présentiel plus léger, mais néanmoins régulier. Je désire tisser des liens dans un avant qui est, et un après qui sera.
Et puis, il y a eu cette découverte très récente, un peu par hasard : une célébration de Taizé dans ma région ecclésiale.
Une fois par mois, dans un village différent, un petit cercle d’une trentaine de personnes se rassemble. On s’assoit, on allume des lumignons, on chante, on prie, on écoute une lecture biblique. Et, au cœur de cette célébration : sept minutes de grand silence. On médite. Dans ce silence, Dieu parle autrement. Il n’impose rien, Il se laisse pressentir.
Les chants, souvent en latin, sont courts, répétés, simples, paisibles.
Un mot, un verset.
Encore, et encore.
Jusqu’à ce que les mots descendent.
Jusqu’au cœur.
Ce sont des chants-prière, des chants-respiration.
J’en connais une dizaine, mais je dois encore apprendre les autres. Alors j’écoute, je lis la mélodie, et comme chaque chant se répète cinq à sept fois, je peux poser ma voix doucement avec les autres, avant de chanter la dernière reprise d'une bonne voix.
Des instruments de musique nous accompagnent, soutenant la polyphonie. Mais ici, on ne chante pas pour briller. On chante pour habiter le temps. Pour être présents : à Dieu, aux autres, à soi-même. Le chant s’enroule autour du silence, et le silence devient réponse.
Les chants de Taizé ne forcent rien. Ils se répètent, se murmurent. Je chante jusqu’à ce que mon cœur et mon corps disent : je suis là.
La célébration devient un passage, une respiration dans le flux de mes pensées. La mélodie trace des ponts entre l’avant et l’après, entre l’agitation de ma semaine et la paix de l’instant. Elle devient prophétique face au temps et à l’inévitable.
Ma voix retrouve doucement sa vibration. Avec elle renaît le désir de tisser des liens vrais, dans un cadre spirituel, un cadre de qualité, dans lequel je me retrouve. Je viens comme je suis, et je chante.
À la sortie, je suis très émue. La reconnaissance m'habite: pour ces visages croisés dans la pénombre, pour la simplicité du partage, pour la joie qui se glisse dans la répétition. Une joie intime, sans éclat.
Les chants de Taizé ont cette humilité qui me va bien. C’est, peut-être, ce qui répond aujourd’hui le plus fidèlement à mon désir de reprendre le chant.
La Providence a répondu bien au-delà de mon attente de simplement chanter.
Je t'exalterai Dieu !
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