Création en noir et en couleurs

Ces derniers temps, c’est un défilé.
Pas sur le tapis rouge de Cannes, non.
Un défilé discret, silencieux, presque pudique dans ma boîte aux lettres : celui des annonces de décès.

Je reçois des courriers, des messages, des faire-part endeuillés et à chaque fois, un petit coin de mon cœur se ratatine. Et avec lui, monte l’envie urgente de ne pas répondre par un simple “sincères condoléances” tapé en police Arial 12.

Il faut bien l’admettre : mon entourage se vide à un rythme qui ferait pâlir une salle d’attente. Les décès ont la mauvaise habitude de ne jamais prévenir.

Résultat ?
Comme souvent, je n'ai rien sous la main. Me voilà, les yeux sur l'horloge, le cœur un peu en berne, à courir chez le papetier pour dégoter une carte de condoléances qui ne soit ni trop mièvre, ni trop froide, ni bardée de textes convenus, sans âme.

Je résiste comme je peux.
Alors je m’y suis mise. Une réponse à l’inacceptable, silencieuse, incarnée.

Non pas avec un mot vite écrit sur une carte pré-imprimée, genre corvée à expédier vite fait, mais avec une création personnelle, née de mes pinceaux et de mon cœur attristé, de mon âme où résonne trop souvent l’écho de la Mort.

Tout a commencé avec une aquarelle originale, peinte dans un moment de calme  contemplatif de ce qu’est la perte d’un être cher. 
Ensuite, je l’ai photographiée, retouchée avec un œil critique sur photoshop, une tendresse un peu floue au bord des yeux, puis je l’ai téléchargée sur le logiciel CEWE. De là, est né un faire-part de condoléances en 10 exemplaires. Création unique, sensible et modeste.
Une forme de spiritualité concrète : transformer la perte, en geste, en création, en présence douce. Ce n’est pas seulement un message de compassion. Créer, c'est tisser un lien entre le monde visible et l’invisible. Je reste consciente que ces cartes finiront tôt ou tard à la poubelle, c'est le destin funeste d'une carte de deuil. Neanmoins, je garde l'espoir que pendant un temps elle accompagnera l'endeuillé et sa famille.
C’est un pont. Une trace de beauté sensible au milieu du chagrin. Parce qu’honorer une vie mérite mieux qu’une carte passe-partout.

Cette création je la veux comme un petit bout d'attention délicate, à glisser dans une enveloppe.

C’est ma façon à moi de dire : je suis là, je vous accompagne.