Grand-mère chérie, le livre des souvenirs.

date_range 18 Septembre 2023 folder Etre grand-parent

J'avais déjà quitté le Club France Loisir depuis deux ans, mais je recevais encore leur pub dans ma boîte aux lettres en 93.

Par l'intermédiaire de leur publicité, j'avais fait l'acquisition d'un livre destiné aux grands-mamans.  Un livre déjà pré-imprimé avec des pages de recettes, de photos de mon enfance, de dates importantes, bref un livre à remplir. En 93, j'ai 33 ans et je me projetais sans peine dans un avenir plus riant que mon quotidien de mère de 3 enfants, dont le dernier n'avais que 3 ans, dont un particulièrement en souffrance.  Je l'ai un peu rempli à l’achat et  en 2003 j'ai complété une grande partie de ce livre. 

Sécheresses, attentat, élection américaine,  phénomènes astronomiques, projets, histoire de mon enfance. Puis vous pensez bien, je l'ai abandonné dans un tiroir de mon secrétaire.  L'eau à beaucoup coulé sous les ponts depuis.

Hier en désencombrant les tiroirs du secrétaire, je retombe sur ce livre. Que faire, le jeter ? Le garder ? Le compléter enfin, l'offrir, le transmettre ?  Je ne sais que faire, j'hésite. Cela me semble enfantin de compléter ce genre de livre pré imprimé, je relis ce que j'ai écrit, tout cela me semble vain et je décide de le jeter non sans en avoir parlé avec Sir Plume et lui demander de compléter à sa sauce ce qui manque de son côté de l'histoire, s'il juge utile de le garder.  Il le feuillette et me dit que j'ai déjà remplis au trois quart, les pages qui le concernent.  Nous n'arrivons pas à nous décider s'il faut le garder ou le jeter.  
Ce qui le fait rire c'est qu'il a été écrit il y a 20 ans !!! ( oui oui, je me suis toujours vu devenir une grand-maman)  Et que depuis il s'est passé beaucoup de choses dans nos vies, qu'il faudrait y rajouter pas mal de pages... puis il le pose sur sa pile de journaux sur sa table de nuit et me rendra réponse dans quelques jours.

Tout ce que j'avais écrit me semblait important il y a 20 ans, mais avec le recul, si je ne renie pas que cela le fût, d'autres priorités se sont dessinées depuis.  Je relativise beaucoup, la femme qui a écrit tout cela n'existe plus vraiment, je suis moi et je suis autre aussi, tout comme l'enfant qui commence l'école n'est plus le poupon qu'il a été. 

Alors ? Attendre encore quelques années pour transmettre plus clairement mon rôle de grand-maman ? 

Et vous qu'auriez-vous fait, si tant est que vous ayez commencé un genre de livre de souvenirs, de peur d'oublier ?

Ne pensez pas, oh moi je n'aurais jamais fait cela, car oui d'une certaine manière vous avez, vous aussi, collecté les bons moments et faisant des photos de vos enfants, de la famille, en gardant précieusement vos photos de classe ou d'enfance ou en confiant à vos parents le soin de le faire, en héritant de ces albums de photos remplis de gens que vous ne connaissez pas vraiment... 
Pourquoi nous semble-t-il si important de garder une trace de ce que nous fûmes, de ce que nos parents furent, de ce que nos aïeuls furent ?

Je n'ignore pas en ce qui me concerne que ce besoin de créer une chronique de famille me vient de ce que je n'ai pas réellement de racines, d'histoire et d'anecdotes concernant ma famille antérieure.  quand d'autre ont un parc à leur patronyme, des cousins et cousines sur toute la planète, des artistes reconnus, des personnalité politiques qui ont marqué leur temps, seuls quelques documents expliquent de manière fatuelle cet état de fait. Ma grand-mère paternelle ne s'est jamais mariée et a eu trois enfants avec des hommes différents. Ma grand-mère maternelle est française et a adopté ma feue maman, nous coupant de toute histoire précédente. Petite ce sentiment d'être une enfants "sans famille" me pesait énormément et installait pour toujours l'idée de ma vulnérabilité et les angoisses qui vont avec. Je devais donc me montrer forte et autonome afin de pouvoir créer une famille, la mienne, avec des racines, une histoire, une mémoire.   Visiblement, mes enfants ont une légèreté d'être très désencombrés de ce fardeau.Il sont au numérique, à la volatilité de l'image, à sa banalisation. Rien de précieux pour eux là dedans.

Peut-être qu'un jour viendra où celà aura de l'importance, ou pas !

Bien souvent, c'est une attente non verbalisée que les parents ont fait ce qu'il fallait pour conserver quelque chose de leur enfance y compris chez les réfugiés qui emportent avec eux des images dans leur téléphone, dans les guerres et les séismes, la plus grande perte affective après les morts, c'est la destruction de ce patrimoine, et si les survivants fouillent inlassablement des décombres, c'est aussi pour récupérer les photos, des album et des souvenirs d'avant la tragédie.

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