L'antan - le voyage dans le Midi

date_range 24 Juin 2022 folder Une mamie à part

Suite à une petite remarque d'une chère amie qui se reconnaîtra, j'ai décidé de vous partager ici quelques souvenirs pas piqués des vers, comme on dit !

Quand j'avais 9 ans en 1969, l'année scolaire commençait en avril après les vacances de Pâques. Comme j'avais, par je ne sais trop quel miracle réussi mes examens d'entrée au collège secondaire de Payerne, la directrice de la maison d'enfants de Combremont-le-Petit avait décidé (pour je ne sais pas trop quelle raison) de m'emmener avec elle, visiter sa famille dans le Midi de la France.
 Ce tout premier voyage à l'extérieur de nos frontières m'a beaucoup marquée. Il a laissé des souvenirs indélébiles constitutifs de mon identité religieuse, entre autre. A 9 ans, me direz-vous avec scepticisme, oui, à 9 ans et trois mois. Bien plus mature que les enfants de mon âge, grâce à mon parcours de vie pour le moins très dur, j'avais déjà bien conscience des enjeux de la vie et de son sérieux.

Alès, Arles et ses arènes, Nîmes, L’Aven d'Orgnac, Aigues-Mortes et sa tour de Constance, ses salines au loin et baignade au Grau du Roi au programme. Accueil sur lit de camp dans d'improbables chambres ou corridor, repas du terroir, accent chantant des habitants.

En visite à Aigues-mortes et sa fameuse Tour de Constance, je suis très curieuse de voir ce qu'est une prison. Quel enfant de 9 ans a déjà vu une prison en temps normal, à cette époque ?  Pas du tout surprise que les prisonnières doivent rester là sur de la paille dans des conditions de vie spartiates et non chauffées en hiver, dans la promiscuité, tributaires de ce que leur famille et amis leur envoyaient pour y survivre, non, ma vie était assez difficile et la violence des coups était quotidienne, la faim, la promiscuité imposée, ça je connaissais. Ce qui m'a le plus choquée, pour ne pas dire traumatisée, fut la réponse à ma question bien anodine de savoir comment les prisonnières  faisaient pour aller aux toilettes. J'avais bien regardé partout et pas la moindre latrine à l'horizon. On me répondit qu'elles faisaient ça dans un seau.  Là, j'ai compris qu'être protestante avait un prix, une valeur. C'était à mes yeux de gamine, la pire offense que l'on pouvait faire: aucune intimité pour ces contingences-la ! C'est là que j'ai réalisé la durée et la dureté de l'enfermement pour des convictions. Je me savais protestante, je devais donc à ses femmes, mon identité religieuse. J'en avais une conscience si aigüe que j'ai sangloté comme pas deux !
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Puis il y a eu le graffiti gravé dans la pierre, mais il ne m'a pas tant marqué que ça à cette époque. Je devais être un peu en état de sidération mentale. La visite des arènes d'Arles et de Nîmes où me disait-on on mettait à mort les taureaux m'a laissée de marbre... rien n'était à la hauteur de mon choc dans cette prison !

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A 16 ans je suis retournée en voyage catéchétique dans cette même région. J'ai vu d'autres choses, la bambouseraie, le petit train du Vivarais, le Musée du désert et bien entendu Aigues-Mortes et sa fameuse tour. Le souvenir était si fort que j'appréhendais sa visite, me demandant ce qui allait cette fois me choquer !

En 92,  je rends dans le cadre de mes études de culture théologique, un séminaire de 45 pages sur Marie Durant, sa vie  et son héritage culturel actuel chez les protestants. 

En 98, rebelote dans la région avec les enfants, qui ont eux aussi été très impressionnés, mais pas aussi choqué que moi, par cette visite et le graffiti. Surtout notre Aînée, plus au fait des enjeux qu'une telle incarcération pouvait avoir. Le petit  dernier voulait jeter des graviers dans le puit ... c'est dire qu'il vivait heureux 😅 . Ce qui les a quand même beaucoup impressionnés, c'est le vieux et poussiéreux musée du Désert avec des lithographies très explicites des dragonnades.  Et où l’on trouve mon patronyme de jeune-fille dans les familles qui ont émigré.  

Pendant ce voyage, j'ai aussi mangé pour la toute première fois de ma vie, des champignons de Paris crus en salade avec des oignons rouges, des tomates et des olives noires (pouah, la petite broyarde que j'étais bien malgré moi, détestait cette entrée, don je raffole aujourd'hui), je me souviens que nous étions proches de Pâques et que les vitrines des commerçants n'avaient ni œuf ni lapin en chocolat. Il faisait déjà bien chaud et le chocolat aurait fondu. On pouvait en acheter et le commerçant allait le chercher au frais dans sa cave ou son arrière-boutique. Je me souviens des nappes provençales très colorées  dont je rêvais de me faire faire  une jupe qui tourne par  Grand-maman... , de la grotte et de ses piles d'assiettes (stalagmites), du guide qui avec un spot, genre de cinéma, éclairait le sentier dans les profondeurs de la nuit... pas d'éclairage ni de jeu de lumière à cette lointaine époque.  Je me souviens du soleil qui tapais déjà fort et de ma toute première baignade dans la Grande Bleue, des flamants roses vu en passant en voiture.

Tous ces souvenirs sont remontés en bulles depuis nos échanges sur avec cette amie. Merci à elle de m'avoir donné l'occasion de les mettre par écrit et de vous les partager.

 

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