L'antan - le remaillage

Un savoir qui se perdra avec moi.

Dans les années septante, adolescente, il m'arrivait de porter des collants en nylon (ou un autre synthétique, mais vous voyez de quoi je parle). Au temps de ma mère d'accueil, les bas étaient si onéreux, précieux qu'on les remaillait: oui, vous avez bien lu, on prenait un microscopique crochet de dentelière et une maille après l'autre on remaillait l'échelle filée. On enfilait un verre sous l'endroit à repriser et on remontait maille après maille tous les accrocs.

J'ai donc dû apprendre à le faire, car ma amère d'accueil pensait bien faire en nous apprenant à prendre soins de nos affaires: on ne sait pas ce que la vie te réservera, disait-elle. Pour elle âgée de 65 ans, les collants étaient encore très onéreux pour sa bourse et donc il fallait faire attention, repriser les bouts vers les orteils et remonter les mailles. Inutile de lui expliquer que plus âgée, j'aurais de toute façon l'argent pour les jeter ! Elle n'entrait pas en matière.

Qui de ma génération a appris à remailler, à part ma sœur ??? Personne, je le crains.

Aujourd'hui j'ai reprisé un leggins corsaire bleu turquoise que j'aime bien et que je porte lors de mes balades dans les campagnes. J'ai tout à fait les moyens de me racheter ce leggings, qu'on se le dise !!!

Il y avait une "échelle" avant le trou à proprement parler. J'ai donc ressorti le minuscule crochet qui m'a suivi dans mes multiples déménagements, et me suis remise à l'ouvrage : 45 ans que je ne l'avais plus fait ! La maille qui fiche le camp, le brin qui glisse mais pas du bon côté.... il a fallu quelques longues minutes, beaucoup de lumière et une bonne vision de près pour remonter l'échelle de deux mailles. J'y suis parvenue. Restait la reprise: il manque de la matière donc on doit retisser le trou.

Le minuscule crochet N°0.50

Si le remaillage est vraiment bien fait (partie entre l'aiguille et le trou), on verra tout de même la reprise qui se situe sous les fesses.

(c'est marrant, à la lumière naturelle, le fil a exactement la même couleur que le tissu, alors qu'il paraît plus foncé sous le flash)

Tant pis, ce vêtement durera encore un peu.
Je ne m'offusque pas des vêtements raccommodés, j'espère que ceux que je croiserai non plus, surtout à la campagne ou en Suisse Allemande...

Ce leggings était sur la piste d'envol du recyclage habits. J'ai décidé de repriser ce vêtement, suite à la lecture d'un article sur la perfection dans le journal Reformé. La perfection, idéal narcissique.

Je suis comme tout le monde, je donne une image positive de moi sur les réseaux sociaux, mais qui a envie de se plaindre et de parler des problèmes en public ? Quand je travaillais, je me rendais disponible pour mon employeur. Actuellement pour ma famille, ce n'est pas rien de le dire ! J'essaie tant bien que mal de consommer bio/éco responsable (d'ailleurs parfois, ça me gonfle un max), je fais un effort de garde-robe, de tenues par respect pour mon entourage, ma dignité et ceux que je croise, mais n'est-ce pas le cas de chacun ? Je prends soins de ma santé nutritionnelle comme financière. Je réponds dans la mesure de mes moyens aux attentes élevées de notre société suisse comme le décrit très bien cet article.
Après réflexion, je ne vais pas changer complétement. Mais oui, je vais faire un premier pas dans une attitude moins parfaite. Après tout, repriser un vêtement qu'on aime bien,  n'est pas la mer à boire et si cela peut mettre à l'aise en abaissant les dictats d'élégance, et bien tant mieux !

Que pensez-vous spontanément en voyant un vêtement reprisé sur une personne ?