La question du mardi - Vivre sans montre
Avant l’heure, c’est pas l’heure.
Après l’heure, c’est plus l’heure.
Depuis mes 19 ans et mon entrée à l'école d'infirmière, je ne porte plus de montre. J'avais en ce temps-là, en 1979, une montre d'infirmière accrochée à ma poche de poitrine sur ma blouse d'élève. On pouvait la lire de nuit, elle comportait la date du jour et permettait de compter rapidement les pulsations avant une prise de médicament ou en post-op pour détecter une baisse de pression due à un saignement interne.
Depuis mon premier jour dans un service de soins, je ne porte plus de montre. Je n'en supporte pas trop les bracelets. J'ai tout essayé, métal, cuir, plastique, hypo-allergène, rien ne me convient. Il y a toujours une forme d'irritation tout autour de mon poignet qui peut s'étendre encore plus loin (bracelet de cuir)
Vivre sans montre en Suisse, n'était pas vraiment problématique car il y avait de grandes horloges un peu partout. Les clochers marquent encore les heures, les quarts et les demies
J'ai développé une notion du temps interne assez précise à 5 minutes près. Suffisant si je ne dois pas prendre un train ou un avion. Je sais toujours mentalement l'heure qu'il peut être... Il y a les marqueurs de temps extérieurs, le jour la nuit, les saisons, la lune.
Je prends mon temps. Je l'ai toujours pris. Je refuse de remplir l'agenda, de courir, de faire 21 choses à la fois. Ce qui demande aussi une bonne organisation, de savoir improviser en cas d'inattendu.
Prendre son temps, ce n’est pas ne rien faire, mais partir à l’aventure : se découvrir, apprécier ses ressources personnelles, mesurer ses faiblesses, développer des qualités (écoute, patience, attention, discernement), étudier et approfondir toute chose. C’est aussi prendre du recul et de la hauteur par rapport au quotidien, aux modes et modèles imposés. Et cela même quand je travaillais avec trois enfants. Prendre son temps m'a permis de suivre un parcours de théologie, d'être active pendant 20 ans en paroisse, tout en gérant maison et enfants.
Pour moi, c'est l’une des voies d’apprentissage de la liberté.
Sur le plan spirituel, mon temps ne m'appartient pas, j'en ai l'usage, mais je n'en suis pas propriétaire. C'est un Autre qui me fait grandir, gère mon avenir et habite le présent. Il "Enseigne-nous à bien compter nos jours, afin que notre cœur parvienne à la sagesse ! » (Psaume 90.12)
Nous ne devons pas travailler jusqu'à l'épuisement dans la poursuite des biens terrestres (Jean 6.27), mais faire de notre mieux pour tout ce à quoi Dieu nous a appelés. En toutes choses, qu'il s'agisse de nos relations, de notre travail, de nos études, de notre service, de nos formalités administratives, du soin de notre corps, de nos loisirs, etc., nous devons avant tout nous concentrer sur Dieu, pendant le temps que nous y passerons.
Reste que pour la plupart d’entre nous, se défaire de notre toquante relève de l’inconcevable tant l’information qu’elle donne en permanence est rassurante. Oui, avec elle, nous savons toujours l’heure qu’il est. Mais ce qu’elle nous offre en réalité n’est qu’une représentation du temps, déconnectée de la nôtre. Une représentation froide, objective, qui nous coupe de l’essentiel : notre propre rythme.
Alors avec ou sans montre ?
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