Histoires pour dormir- La crème au caramel

date_range 24 Février 2021 folder Etre grand-parent

Le temps qui passe

 

En tant que grand-maman, je passe le relai et parle de l'antan. Je raconte mon enfance et décris des souvenirs de ma propre grand-maman. C'est compliqué pour une petite fée d'à peine trois ans de comprendre le fil des générations... mais les contes et les histoires font le job. C'est amusant de remarquer qu'elle n'arrive pas encore à savoir qui est le fil, la fille de qui. Pour elle, ses parents sont ... ses parents, point barre. Néanmoins, à l'aide de photos, on y arrive petit à petit. Son papa enfant, puis adolescent, devient reconnaissable.

Mais revenant à nos moutons.

Enfin, à un souvenir gustatif... ( je le simplifie quand j'endors Pucinette avec)

Il était une fois, dans une petite ville d'ici, une grand-maman qui aimait faire la cuisine. Elle habitait un appartement sans eau chaude ni chauffage, on disait alors "sans confort". Dans sa cuisine, il y avait un poêle à bois qui servait de cuisinière et de chauffage. Une sorte de four y était aménagé. Il fallait prendre des manicles, des carrés crochetés pour ouvrir les petites portes avant d'y glisser des galets de charbons qui était tout noirs et qui nous en mettait plein les habits... J'avais l'interdiction absolue de toucher le monstre fumant !!!  Ce poêle trônait à l'opposé de la fenêtre, pas tout à fait contre le mur. Je me souviens que grand-maman mettait une couverture pliée en 4 entre l le dos du monstre qui ronronnait et le mur, pour que je puisse m'y tenir au chaud.

La cuisine petite et sombre comportait encore un évier en pierre émaillée et une armoire. Deux chaises montaient la garde de chaque côté de la fenêtre. La table se tenait au milieu. Une étagère courait le long du mur  pour les casseroles et un service à thé en porcelaine translucide rouge, décor chinois,  don le bord des tasses avait un liseré d'or qui me faisait rêver.  L'armoire, servait de réserve de nourriture et de vaisselle. Pas de rideau aux fenêtres et un méchant abat-jour rouillé, émaillé lui aussi, éclairait les lieux d'une ampoule tremblotante.

 Grand-Maman sortait un affreux poêlon noir en fonte, bien trop lourd pour mes petites mains, le posait bruyamment sur le calorifère et y jetait un gros morceau de beurre, ainsi que 6 cuillères à soupe de sucre que je comptais avec elle. La magie opérait sous mes yeux: le beurre et le sucre disparaissaient ensemble pour faire place à un liquide odorant qui augurait le festin à venir. Elle y versait ensuite du lait qu'elle sortait d'un bidon en plastique bleu pâle et un peu de farine, saupoudrait le tout d'une épice brune, touillait longuement avec sa cuillère en bois avec un regard plein de soleil, une mélodie sur les lèvres. Je la regardais faire, aller et venir dans cette cuisine  minuscule. Il fallait encore attendre qu'elle me serve un bol qu'elle mettait refroidir sur la fenêtre, alors seulement je pouvais lécher la cuillère en bois et quand la crème était tiède, je pouvais enfin tirer une chaise et m'installer: le festin commençait. D'abord, elle enlevait la peau qui s'était formée à la surface et la mangeait  devant moi en prenant son temps, pendant que je trempais ma cuillère à thé dans la crème et l'avalait goulûment. Le goût caramélisé du sucre avec le beurre restait si longtemps dans ma bouche, que j'en ai encore le souvenir 56 ans plus tard. Cette crème tiède, parfumée à la cannelle, me remplissait de chaleur, je crois bien que tout l'amour de  Grand-Maman y était concentré. Ce n'était jamais un goûter ou dessert.  Cela me servait de repas du soir. Je n'ai jamais très bien su par quel tour de passe-passe, elle réalisait cette crème divine et merveilleuse à mes yeux d'enfant.

Ce n'est que beaucoup plus tard que j'ai compris que grand-maman ne mangeait que la peau de la crème, et rien d'autre, donnant le peu qu'elle avait à sa petite fille adorée. Je n'ai su que vers 25 ans quand je cherchais maladroitement comment réaliser cette crème au caramel, qu'elle y mettait de la cannelle et pas d'œufs qu'elle n'avait probablement pas les moyens de se payer.

Ce souvenir comme d'autres,  me servent d' "Histoires  pour dormir" .

Qu'est-ce que tu veux comme histoire pour dormir, Pucinette ?

- La crème au caramel... !

 

 

 

1
🙂 1
1
Recevoir les mises à jour du blog par email

Vous allez recevoir un email pour finaliser votre inscription.
Il existe déjà un compte sur ce blog avec cette adresse email. Vous allez recevoir un email pour vous connecter.
Merci de saisir une adresse email.