Archéologie familiale.

date_range 18 Mai 2020 folder Une mamie à part

Depuis quelques temps, mon mari, Sir Plume, scanne nos photos de famille anciennes.

Vous savez bien, ces cartons de photos très souvent en noir-blanc, un peu écornées, remplies de personnes dont on ne se rappelle plus très bien le nom et l'âge. Ces photos qui parfois sont documentées au dos. 
Il a fallu faire des recherches, ressortir les livrets de famille quand il existent encore, ou la bible de mariage... Faire appel à nos propres souvenirs ou ceux de nos proches, fraterie et cousines... Faire preuve d'esprit analytique, ça ressemble à la maison de ... ils y habitaient en ... donc c'est ... oui ... là elle porte le même tablier (robe)...

Dans les pièces photos émouvantes, une carte postale d'un hôpital gériatrique de soins aigus, munie de sa petite croix pour indiquer la chambre, avec une adresse qui fait froid dans le dos... Trois mois avant sa mort, ma Grand-maman chérie écrivait à son fils cadet (mon papa), aux Etablissements de la Plaine de l'Orbe, le  pénitencier du canton de Vaud, pour lui donner des nouvelles et l'encourager à ne pas perdre patience. L'écriture est toute tremblée, ma grand-maman a 69 ans, atteinte d'un cancer généralisé en phase terminale, deux mois avant, elle avait été opérée, et on lui avait enlevé deux lobes pulmonaires...  elle sentait sa vie lui filer entre les doigts et elle soutenait de son amour de mère son enfant problématique. 

Où celle de mon mari avec sa maman vêtue comme une star des années 40 à Barboleuse, dans la neige, en 1960 ...  cliché qui dévoile silencieusement quelles étaient ses aspirations et les modèles de vie de sa maman ... le petit Sir Plume un peu timide devant les démonstrations d'affections d'une maman très fière de son fils unique.

Des photos, il y en a pas beaucoup de moi et de mon mari jeunes. Les appareil de photos coûtaient une fortune pour nos modestes familles, le développement et les tirages aussi, les photos sont mal cadrées souvent, car les photographes étaient des novices et n'avaient pas d'instamatic, la parallaxe mettaient à rude épreuve les cadrages. Il manquent des pieds, des moitiés de personnes, allez reconnaître une épaule dans un complet veston !

Le projet est qu'une fois numérisées nous en fassions un livre photos souvenirs documenté pour nos enfants et leur propre famille. Un livre photo prend beaucoup moins de place, est facile d'accès. Il s'inscrit dans la création physique d'une histoire de famille.

Pour ceux qui comme nous avait ce souci de laisser des photos pour l'avenir, de participer à leur manière à la descendance, il y a des annotations parfois un peu mystérieuses, au dos des instantanés. Ainsi une photo de mon grand oncle endormi (frère de ma grand-mère) à table avec une bouteille de vin et des verres dessinés au stylo sur la table, il devait être bien imbibé !  Au dos, on apprend que c'est le frère de ma grand-mère décédé en 1949.
J'ai ainsi découvert que ma grand-mère que je pensais fille unique, avait 2 frères et une soeur dont elle ne m'a tout simplement jamais parlé... Elle avait aussi une autre petite fille qui se prénomait comme moi (prénom et patronyme), ils ne devaient pas beaucoup se parler entre frères ...  et encore trois autres petits enfants, mes cousins et cousines, s'en occupait-elle aussi ??? Je ne le saurais probablement jamais, pas trop envie de fouiller de ce côté là de ma famille. Tous ses enfants sont morts, restent des cousins et des petits cousins que je ne connais pas du tout. J'ai croisé une fois à la caisse de la Migros d'Yverdon, ma cousine, c'est en lisant son patronyme sur son uniforme que je m'en suis aperçue. Je lui ai fait remarquer que nous avions une personne en commun, sa grand-maman paternelle. Elle a découvert elle aussi que nous étions parentes, n'ayant jamais entendu parler de moi ou de ma fraterie... 

Ce qui est à noter, c'est que les photos de moi toute petite ont été prises par des photographes professionnels. Et il y a une histoire à cela.
Au début des années 60, la Maison Guigoz, publiait pour sa pub les photos d'un concours dont le premier prix était une année de lait en poudre et de croissance. Ma Grand-maman adorée m'avait donc fait passer ce concours, fière et persuadée que ma bouille de poupon allait remporter le prix. J'ai donc eu ma photo sur les boîtes de lait Guigoz pendant un mois et ma famille a eu de quoi me nourrir en lait gratuitement pendant un an. On était débrouille en ce temps là, quand la pauvreté était monnaie courante.

Une autre photo a surpris mon mari. Une photo de ma maman avec un trou dans son dentier.... Ma mère comme bien d'autres personnes s'est fait arracher toutes les dents vers ses 20 ans, faute de soins et d'argent pour des soins...   Le trou vient d'un acte de violence, un coups de poing donné par mon père. Maman n'a jamais eu les moyens de faire réparer son dentier. Elle est décédée avec...  Sur presque toutes les photos elle sourit bouche fermée, car elle avait honte aussi bien de son incapacité financière à améliorer les choses, que de la violence de son mari.


Comme vous l'avez compris, ce temps de numérisation est donc un temps très émotionnel où l'on convoque les ancêtres, perce des mystères, où l'on se raconte notre histoire de famille, une histoire singulière aussi bien pour mon mari que pour moi.

Et vous, que faites-vous des photos anciennes qui trainent dans une boîte, un carton à chaussures ou le fond d'un tiroir dans une grande enveloppe poussiéreuse ?
Classées et triées pour la postérité ? Passées à la poubelle, car totalement insignifiantes au sens premier du terme qui ne fait pas sens, car vous ne savez plus qui est qui et pourquoi cette photo existe ? Que lèguerez-vous à vos descendants, est-ce important pour vous ?

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